Le village martyr d'Oradour
Village Martyr

Récit du massacre

Samedi 10 juin 1944 :  la vie du paisible bourg limousin d’Oradour-sur-Glane est anéantie en quelques heures par une action brutale, méthodique et délibérée d’une partie de la division Waffen SS Das Reich. Comment un tel acte a-t-il pu être mené et préparé ? Les dépositions des survivants et témoins, complétées des auditions des accusés entendus par la suite, ainsi que l’étude des documents d’archives, permettent de restituer le déroulement du massacre et d’éclairer l’implacable logique l’ayant suscité.

rue principale

Oradour avant le massacre

Situé à une vingtaine de kilomètres au nord ouest de Limoges, Oradour est un bourg rural dont la population s’élève, lors du recensement de 1936, à 1574 habitants. Du fait de la guerre, on y compte également de nombreux réfugiés, comme dans tout le département : espagnols chassés par le franquisme, évacués alsaciens, expulsés mosellans, Juifs français ou étrangers fuyant les persécutions. 

 

Sa situation et son activité commerçante et agricole attirent également, en ces temps de rationnement, de nombreux citadins venus se ravitailler ou s’y mettre à l’abri : le chemin de fer  départemental relie en effet la bourgade à Limoges et Saint-Junien depuis 1911.

 

Le bourg central compte 330 habitants, regroupe les commerces, artisans, services publics ainsi que quatre écoles. Les hameaux environnants, dépendants de la commune, y envoient leurs enfants.

 

En ce samedi 10 juin, le bourg est donc peuplé, animé, vivant, jusqu’aux toutes premières heures de l’après-midi.

Qui sont les exécuteurs ?

La troupe qui se rend à Oradour est constituée de trois sections de la 3e compagnie du régiment blindé Der Führer  de la division Waffen SS Das Reich.

 

Créée en 1938, cette division est l’une des plus anciennes des formations de la Waffen SS, branche armée des forces nazies. Engagée successivement dans les campagnes d’annexion et d’invasion en Europe occidentale et centrale et dans les Balkans, puis dans les combats du front de l’Est, elle s’y initie aux exécutions de masse de populations civiles qu’elle met en oeuvre impitoyablement sous les ordres de son commandement : la terreur devient sa signature.

 

Décimée lors de sa retraite du front russe, elle est retirée des combats et reconstituée au camps de Souges, près de Bordeaux, au printemps 1944. On lui adjoint de nouvelles recrues, de diverses nationalités, alors à l’instruction.

 

La troupe, sous-encadrée, hétérogène et en manque de matériel, est envoyée dans les environs de Montauban où elle commet exactions, exécutions et incendies, appliquant les méthodes utilisées à l’Est.

front de l est
photo boye

La division Das Reich en Limousin

Le 8 juin, une partie de la division Das Reich se met en route vers la région de Tulle et Limoges, afin d’y mener des opérations de ratissage en réponse aux actions de la Résistance qui se multiplient. Ce mouvement répond aux propositions formulées par le général Lammerding, commandant de la division, dans un rapport à sa hiérarchie en date du 5 juin visant à la criminalisation des “bandes” par la pression sur les populations civiles, ainsi qu’à l’application de mesures répressives brutales pour une “reprise en main de la zone”.

8500 hommes environ participent à ce déplacement jalonné de massacres, pillages, incendies, et atteignent le 9 juin Limoges, Guéret, et Argenton-sur-Creuse.

Ce même jour, la pendaison de 99 otages et la déportation de nombreux habitants de Tulle s’inscrit dans une succession de drames qui culminera à Oradour, le lendemain 10 Juin. 

copyright Boyé photo  de Louis Boyé ci-contre

Un massacre préparé

Le 9 juin, le régiment d’infanterie blindée Der Führer investit la ville de Limoges et sa périphérie. L’état-major s’installe à Limoges, le premier bataillon est positionné à l’ouest, à Rochechouart et Saint-Junien. Il reçoit alors l’ordre de rejoindre le 11 juin le front ouvert par le débarquement des forces alliées en Normandie. Dans l’intervalle, on met au point l’”action exemplaire” préconisée par Lammerding.

Des réunions sont connues grâce aux dossiers d’archives : le vendredi 9 entre miliciens à Limoges, puis le samedi 10 au matin successivement à Limoges et à Saint-Junien, entre officiers Waffen SS et policiers SS en poste à Limoges.

Des miliciens suivent les opérations.

Le cantonnement de la troupe positionnée à Saint-Junien est prévu le 10 au soir à Nieul. Entre les deux localités : Oradour.

Le 10 juin, la 3e compagnie, soit environ 200 Waffen SS commandés par le capitaine Kahn, se met en route aux environs de 13 heures.

eglise en ruines
champs de foire

La troupe approche du bourg et les hommes reçoivent des ordres. Le périmètre des exécutions est délimité. Lorsque les premiers véhicules entrent dans Oradour, le bourg est déjà méthodiquement encerclé. Les habitants sont systématiquement rabattus vers l’intérieur du bourg et rassemblés sur le champ de foire : ordre est donné d’abattre ceux qui ne peuvent s’y rendre. Sur le champ de foire cerné par les soldats, les hommes sont séparés des femmes et des enfants qui sont conduits dans l’église. Les hommes sont répartis dans des lieux clos repérés préalablement. Un signal est donné : ils sont alors simultanément exécutés. La troupe tue au hasard des rues et des habitations ; le village est pillé et incendié. Femmes et enfants sont massacrés dans l’église, que les soldats tentent de détruire avec des explosifs. En début de soirée, une partie de la troupe rejoint son cantonnement : d’autres hommes gardent le bourg dévasté. Le lendemain, une section revient et procède à l’élimination systématique des corps par le feu et la fosse commune. Cet outrage aux cadavres rend impossible l’identification des morts, prolongeant la terreur jusque dans l’interdiction du deuil. On dénombrera 643 victimes.

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